Parti Pirate - Dis-moi comment tu votes, je te dirai dans quelle démocratie tu es

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Dis-moi comment tu votes, je te dirai dans quelle démocratie tu es

Publié le 16/10/2021
  • farlistener
  • Florie
  • Vesporium

De temps en temps, en France, nous votons. Certaines personnes votent plus souvent que d'autres, et pour beaucoup le vote se résume à mettre un bulletin dans une urne. À l'heure où l'on parle de réformer le vote, ses méthodes, voire d'y mettre une dose d'électronique, nous vous proposons de faire un état des lieux de ce processus plus complexe qu'il n'y parait.

Un processus bien rôdé

En France, le vote est régi par le Code électoral et la Constitution. Cela permet de sacraliser un certain nombre de concepts ayant pour chacun un rôle dans notre République.

Voici une liste de certains de ces concepts :

  • La carte d'électeur : ce petit bout de papier n'est finalement pas nécessaire pour pouvoir exercer son droit de vote, son seul intérêt est de vous indiquer votre bureau de vote, ainsi que d'aider les assesseurs à vous retrouver sur la liste d'émargement. Ce qui compte c'est de pouvoir prouver votre identité. L'utilité d'une telle carte est donc d'indiquer l'unicité de votre bureau de vote, de la liste d'émargement et de votre identité.

  • Les bulletins posés dans un certain ordre : à la fin du processus d'enregistrement des candidatures, les préfectures tirent au sort l'ordre des panneaux et de la disposition des bulletins de vote sur la table du bureau de vote. Ce mécanisme existe pour éviter certains avantages qu'il y aurait à être présenté en première ou dernière position. Oui, nous sommes bourrés de biais, et ce tirage au sort sert à les contrer.

  • L'enveloppe : d'une couleur différente entre chaque scrutin (et donc s'il y a deux scrutins à la même date, chacun aura une enveloppe d'une couleur différente) pour éviter une réutilisation d'un scrutin à l'autre, et donc limiter le bourrage d'urne, sa deuxième vertu est de pouvoir dissimuler le vote à la vue des autres, même en cas d'accident.

  • L'isoloir : Passage obligé, l'isoloir permet à chaque personne participant au vote de se soustraire au regard et à la pression des autres. L'isoloir est aujourd'hui le meilleur moyen à notre disposition permettant de créer le secret du vote et d'éviter la coercition.

  • L'urne transparente : L'urne transparente a plusieurs propriétés qui nous intéressent au premier chef pour un vote. Au début du scrutin, tout le monde peut constater qu'elle est vide. Pendant le vote, chaque dépôt d'une enveloppe est constatable, ainsi chaque électeur sait que son vote sera comptabilisé. Et pendant toute la durée du scrutin, elle est close et protégée par la Présidence du bureau du vote.

  • Le dépouillement : C'est le moment du décompte des voix. Il permet d'écarter les votes qui seraient, entre autres, identifiables, mais aussi, par sa méthode, d'assurer la vérifiabilité du décompte.

Ces différentes étapes permettent donc de garantir plusieurs aspects : l'identification et l'unicité du vote des personnes électrices, l'anonymat et le secret de leurs votes ainsi que leur non-répudiation et, finalement, la transparence du mécanisme avec un contrôle citoyen accessible.

C'est beau, c'est propre.

Pour autant, dès lors que l'on remet en question nos méthodes de vote, il est d'usage qu'on ne parle que de la mécanique de la dernière étape, le scrutin.

Un processus éculé ?

Aujourd'hui, l'abstention crève les plafonds, beaucoup veulent une réforme du vote et chacun y va de sa solution. Nous avons pour objectif, avec cet article, d'en faire un recensement, voire une critique objective des avantages et inconvénients de celles-ci.

Le bulletin unique

L'un des problèmes quand on parle représentativité en France, c'est que pour se présenter à une élection encore faut-il avoir des bulletins à son nom. Ce que beaucoup ignorent, c'est qu'il faut que chaque candidature, solo, binôme ou liste, les paient. On parle souvent de remboursement, de plafond de dépenses de campagne, mais pour obtenir ces remboursements, il faut remplir certains critères, il y a des conditions, mais surtout il est très important de savoir que pour toutes les élections en France (sauf pour la présidentielle) les bulletins ne sont pas fournis par l'État.

Cela entraîne plusieurs choses :

  • Une partie du temps de campagne est investie dans de la gestion marketing et logistique de la mise à disposition du bulletin ;
  • Une gestion par les préfectures des bulletins qui arrivent au fur et à mesure des diverses impressions ;
  • Seules les candidatures qui dépassent le seuil de remboursement voient les frais d'impression de leurs bulletins de vote remboursés, autrement dit seules les candidatures qui ont déjà su convaincre l'électorat de les choisir, bien avant le jour du scrutin, peuvent concourir gratuitement.

Le bulletin unique propose de remettre l'État au cœur du dispositif, comme c'est déjà le cas dans la plupart des autres pays. Les problématiques d'impression et de distribution sont simplifiées. L'État n'a plus à gérer le remboursement des coûts qui sont ainsi simplifiés et rationalisés. Et en normalisant le processus, l'État sera à même de proposer un bulletin plus accessible, rendant possible, par exemple, l'embossage pour les déficients visuels.

Cependant deux écueils guettent cette proposition. D'abord, cela nécessite un changement du code électoral qui prévoit aujourd'hui que l'ensemble des noms des candidats doit être présent sur le bulletin de vote. Quand on sait qu'un bulletin pour les élections régionales doit être imprimé sur une feuille A4 recto/verso, on peut s'interroger sur la pertinence de faire rentrer toute ces informations sur un bulletin unique facilement manipulable. Le deuxième écueil vient des personnes politiques élues à l'Assemblée nationale et en capacité de légiférer dans ce sens qui, en adoptant le bulletin unique, devraient scier la branche sur laquelle elles sont assises en permettant à d'autres une facilitation d'accès à leur mandat.

La circulaire unique, voire électronique

On peut pousser le principe du bulletin unique un petit peu plus loin en arguant que la problématique est similaire pour les circulaires, d'un point de vue démocratique mais aussi logistique. Le fiasco de leur distribution pendant les élections régionales et départementales a très certainement pu contribuer à un désintérêt accru : pourquoi se soucier des candidatures quand l'État se moque de l'électorat ?

Deux axes de réflexion autour de la distribution des circulaires peuvent apparaître :

  • La création d'un livret unique des différentes circulaires avec les mêmes effets que pour le bulletin unique : moins de logistique, plus de démocratie ;

  • L'envoi par voie électronique de la propagande aux personnes qui seraient volontaires pour la recevoir par mail. Cela permettrait ainsi une égalité d'accès à l'information politique sans gaspillage de ressources. Malgré tout, il faudra veiller à ce que le service public reste l'intermédiaire afin d'éviter une pollution de ce canal par les partis politiques et de préserver ainsi notre vie privée.

La propagande numérique existe déjà sous une certaine forme, mais l'information n'arrive pas directement dans nos boites mails, et si nous ne connaissons pas la méthode pour aller chercher cette information, méthode qui est très peu promue par les partis politiques en capacité de produire leur circulaire papier, ou par l'État qui a bien d'autres choses à faire que d'expliquer au commun des mortels comment fonctionnent les élections, alors il va de soi que personne n'ira chercher une information dont on ignore l'existence.

Le changement de mode de scrutin

Une autre proposition consisterait à changer les modes de scrutin qui sont la plupart du temps uninominaux et toujours à deux tours (sauf pour les européennes). Le fait de ne pouvoir choisir qu'une proposition parmi l'éventail proposé serait en partie responsable du désamour croissant de la population pour le vote.

En effet, quoi de plus cruel, et finalement très éloigné de l'idée démocratique, que de demander à une population de ne choisir qu'une seule personne pour ainsi disqualifier plusieurs autres courants de pensées similaires sous le prétexte qu'ils n'auraient pas su se rassembler avant le vote décisif ?

Le changement de mode de scrutin permettrait de rappeler que la politique c'est avant tout de la bonne cuisine avec la possibilité de choisir les différents ingrédients et une longue préparation et pas un plat tout préparé à cuisson rapide et sans saveur.

On entend parler ici ou là du jugement majoritaire ou encore de la méthode de Condorcet. Les principaux écueils de ces scrutins se trouvent dans la difficulté à convaincre de la pertinence de ces méthodes, de l'apprentissage et de la compréhension de ces nouveaux modes de prise de décision par les personnes qui devront s'en servir, de la résistance au changement voire des quelques difficultés qui existent à leur mise en œuvre.

Malgré tout, nous ne devons pas perdre de vue que nos méthodes actuelles favorisent le vote utile, une mécanique qui inspire un certain dégoût parce qu'elle demande de jouer perdant au premier tour pour essayer de renforcer le moins pire pour finir par rejeter en bloc le pire du pire au deuxième tour.

Un peu difficile de demander de l'affection et de l'intérêt pour le vote quand on vous indique qu'il faut utiliser la haine et le désaveu comme base de réflexion pour votre choix…

Le vote électronique

Bienvenue au pays des électrons, ces petites particules qui ont révolutionné nos vies, nos habitudes, pour le meilleur et pour le pire. Pour le meilleur, le vote électronique fait disparaître le besoin du bulletin papier. Adieu gabegie, adieu gaspillage, adieu papier et bonjour machine, machine qui peut lire le bulletin en cas de déficience visuelle ou en cas d'illettrisme (7% de la population). Plus d'égalité et un meilleur accès au vote.

MAIS !

Mais une machine ça tombe en panne, une machine ça s'entretient. Pire, ça s'utilise. Et nous invitons toute personne qui prétendrait que c'est simple à passer une journée à côté d'un automate de La Poste ou de la SNCF pour se rendre compte de la multitude de profils qui constituent notre société.

Et une fois qu'on a utilisé cette machine, il faut avoir confiance dans les architectes qui ont conçu la machine, dans le développement informatique qui a permis d'implémenter la solution, dans les composants même de la machine, voire dans la bonne volonté cosmique, pour que le résultat rendu soit sincère, inaltérable et qu'il préserve bien entendu le secret et l'anonymat du vote.

Malgré cela, peut-on prétendre que le vote électronique est fiable quand tous les jours ou presque de nouveaux vecteurs d'attaques voient le jour, quand ces machines à voter tournent sur des systèmes d'exploitation qui ont plus de dix ans ? Peut-on faire confiance à une machine qui serait retrouvée avec une clef USB qui n'a rien à faire là juste à côté ? Peut-on expliquer à toute la population le fonctionnement de la cryptographie et des mécanismes mis en place pour garantir l'intégrité des données ? Et l'intégrité des données assure-t-elle du non-bourrage d'urne ? Et finalement, comment vérifier à tout instant que le bulletin mis dans l'urne électronique est bien le bulletin que vous avez sélectionné ?

Le vote sur internet

"Les Français sont des fainéants." Pour une partie des pseudo-spécialistes, ce n'est pas que le problème se situerait au niveau des propositions politiques ou encore des modes de scrutins, non, ce serait parce que la population française n'a pas envie de se déplacer alors que tout le monde sait cliquer sur le bouton j'aime sur twitbook. La solution est donc toute trouvée, et seraient folles ou conservatrices toutes les personnes qui s'opposeraient à cette proposition.

En effet, cette proposition a pour elle l'avantage de permettre à qui saurait se servir correctement de son ordinateur, voire de son ordiphone, quand on en a un, de voter d'où on a envie (nous ne recommandons toutefois pas la douche). L'illectronisme est certes un frein, mais quand on propose de mettre en place le jugement majoritaire, on estime que l'instruction est bon moyen de remédier à l'ignorance, alors pourquoi pas sur cette question ? Mais quid de l'équipement ?

Le vote sur internet reprend à son compte les problèmes de son grand frère, le vote électronique, mais il a la gentillesse d'apporter son propre lot d'inconvénients : mise à disposition de token, anonymisation et secret du vote, résistance face à la coercition ou à la vente de son vote. L'immatériel qu'est l'électronique est accentué par le médium qu'est internet ; y calquer les mêmes règles que le monde physique est une gageure. À quoi faut-il renoncer pour accepter le vote sur internet ? En l'état, au secret du vote. Il aura donc un adversaire de taille : la Constitution.

Et non, dégainer la blockchain comme argument n'est pas suffisant pour résoudre tous les problèmes d'un coup de baguette magique.

La reconnaissance du vote blanc

On parle réforme pour notamment résoudre un problème de fond : l'abstention. Le problème avec l'abstention c'est que c'est un acte protéiforme dont l'une des composantes est que la non-reconnaissance du l'opposition de l'électorat aux propositions qui lui sont faites n'est pas prise en compte. On parle ici du vote blanc.

Le vote blanc est bien différencié du vote nul ou de l'abstention, mais il n'est pas pris en compte dans le calcul des exprimés. Le vote blanc ne provoque ni des sièges vides dans une assemblée, ni le lancement d'un nouveau scrutin. Une première réforme du vote pourrait être cette prise en compte du vote blanc, après tout on relance bien une élection s'il n'y a pas eu de candidature, qu'elle a été invalidée ou bien encore quand il y a eu trop de démissions. Et ça pourrait ne pas impacter les candidatures précédentes, où la démocratie si, au final, on remet l'État au cœur du dispositif démocratique de la propagande et des bulletins de votes.

Tout est lié.

Le tirage au sort

Une autre idée pour se passer des élections, surtout celles amenant le remplissage de conseils, est l'utilisation du tirage au sort. Mais il faut alors faire très attention aux biais.

Prenons par exemple notre Assemblée nationale aujourd'hui composée de 577 membres. Si (un gros SI) un scrutin de liste avec une proportionnelle sans seuil était en vigueur, nous aurions une représentativité consentie avec une personne élue pour 0,2% de la population. C'est fin et la population aura activement choisi et donc consenti à cette représentativité. On peut se poser la question du nombre minimum de personnes tirées au sort qu'il faut pour avoir les mêmes garanties. Et il faut surtout se méfier des propositions qui rajouteraient "parmi les volontaires" dans leurs conditions d'utilisation, car elles biaiseraient tous les résultats qui découleraient de ces méthodes. Mais pour le reste, ces personnes tirées au sort devront, comme n'importe quelle personne élue avec les méthodes actuellement en vigueur, monter en compétence sur de nombreux sujets, mettre entre parenthèses leurs vies et surtout se faire accepter par la population qui, elle, n'a pas été désignée, et qui n'a pas choisi d'être représentée par ces personnes tirées au sort. Et surtout, n'est-ce pas tout simplement remplacer un système représentatif par un autre ?

Le vote obligatoire

"Les Français sont des fainéants 2, le retour." Pour les mêmes raisons, une autre proposition : rendre le vote obligatoire comme, par exemple, en Belgique, ou encore au Brésil. Alors attention au divulgachage, mais en Belgique, pour des raisons de priorité dans les dépenses de la justice, on ne poursuit plus les personnes qui ne votent pas et l'abstention tourne entre 15 et 20%. Par ailleurs, certaines personnes considèrent que voter serait le meilleur moyen de "faire barrage à l'extrême-droite" ; ayons donc une pensée émue pour le Brésil qui a élu un certain Bolsonaro.

Ce choix se résume donc à une question philosophique : un droit est-il un devoir ? Vous avez quatre heures.

Revoir les scrutins de liste

Certains de nos scrutins, quand ils ne tournent pas autour d'une personne ou d'un binôme par circonscription, proposent de concourir aux élections par des listes. C'est le cas aux européennes, aux municipales et aux régionales. Ces scrutins soufrent aussi de quelques problèmes qui peuvent décourager de se présenter ou de voter.

La fin des listes complètes

Les listes doivent, selon le code électoral, présenter au moins autant de candidatures que de sièges à pourvoir dans l'assemblée élue. Pour les élections européennes, il faut présenter aujourd'hui 79 personnes. Pour les élections régionales, suivant là où vous candidatez, on peut aller jusqu'à plus de 150 personnes (Occitanie, Grand-Est, Hauts-de-France, Nouvelle-Aquitaine, Auvergne-Rhône-Alpes et Île-de-France) qui doivent toutes être inscrites dans la même région. La mécanique de ces élections n'est pas faite pour encourager le pluralisme politique ou les courants émergents qui comptent moins de candidatures potentielles que les grandes structures déjà bien établies. L'une des possibilité pour un renouveau démocratique serait de pouvoir laisser les listes ouvertes. Qui va, aux élections européennes, obtenir 100% des voix exprimées alors que 34 listes de candidatures ont été déposées ? Au mieux, en 2019, les listes ont pu emporter une vingtaine de siège, a peine le quart. Donc pourquoi ne pas laisser les listes ouvertes et laisser au parti détenteur de la liste le soin de pourvoir, au besoin, le reste des sièges obtenus, ou bien de laisser les autres listes se partager les sièges non pourvus ? Et en passant, cela permettrait de faire cesser la nécessité de faire figurer l'ensemble des noms des personnes candidates des listes sur les bulletins de vote. D'un côté l'information est accessible, de l'autre les médias ne s'intéressent qu'aux têtes de liste. Pour un bulletin unique, en tout cas, cette option serait bien pratique.

La fin de la prime majoritaire / Une vraie proportionnelle

Quitte à parler rénovation des scrutins de liste autant parler proportionnelle et prime majoritaire. Contrairement à d'autres scrutins de listes en France, les élections européennes s'effectuent en un seul tour. En plus de nous permettre des économies, elles proposent une proportionnelle réelle, il n'y a, en effet, pas de prime majoritaire comme pour les élections municipales ou régionales. Les européennes souffrent malgré tout d'un problème : le seuil. En effet, le seuil naturel de l'obtention du premier élu est d'environ 1,26% alors qu'il a été arbitrairement placé à 5%. En 2019, ce seuil a empêché à 6 listes d'obtenir 12 sièges au Parlement européen, sur un total de 15% des voix. Ces sièges inoccupés ont été repartis parmi les listes ayant obtenu les plus gros résultats. 15% de l'électorat n'est donc, de fait, pas représenté à cause de ce seuil.

La prime majoritaire force, quant à elle, la fusion et les tractations d'entre deux tours, tractations qui perdent totalement les électeurs qui peuvent les considérer contre nature, voire ne pas souhaiter voter pour une liste fusionnée qui, si elle perd, aura, théoriquement, autant de siège que l'ensemble des listes auraient pu avoir sans fusionner. Seule la prime majoritaire force la fusion en accordant un bonus à la liste arrivée en tête. D'un point de vue extérieur, l'électorat n'y verra qu'une tambouille avant l'heure du vote sur laquelle il n'a plus de prise, alors même que le débat aurait pu continuer sur des points de divergences au sein des assemblées élus.

L'empowerment

On parle également d'autonomisation, de capacitation voire, pour les plus fifous, d'empouvoirement. En soi, c'est l'ouverture du système politique à tout le monde, ce qui est déjà le cas techniquement aujourd'hui, mais avec en plus la publicité sur les règles pour permettre l'éclosion de listes dites citoyennes en dehors des mécaniques partisanes.

L'autre axe est d'ouvrir le fonctionnement des conseils actuels pour changer la balance entre des membres des conseils légiférants et leur électorat vers des membres des conseils exécutants et l'électorat citoyen. Les personnes élues ne deviennent alors plus que des personnes aidant au débat à qui l'on peut confier la vérification des faits ou la licéité des solutions envisagés.

Que les politiques soient moins ridicules

On monte encore en intensité et en vœu pieux : des personnes politiques qui échangent correctement entre elles ou avec la population. L'idée c'est que ce pour quoi elles se présentent soit clairement établi, que le discours présenté ne soit pas en contradiction avec l'échelon de représentativité. C'est d'ailleurs peut-être un autre indice pour ces dernières élections où certaines candidatures présentaient un profil de présidentiable tandis que d'autres parlaient de sujets que les départements ou les régions ne maitrisent pas. Peut-être qu'intéresser correctement l'électeur au scrutin et ses enjeux serait synonyme de ne pas le prendre pour un imbécile et que cela pourrait l'inciter un peu plus à aller voter ? En somme, l'idée serait d'avoir une offre politique sincère plutôt qu'une farce pleine d'invectives et d'informations trompeuses.

Voter pour des idées et non des personnes

Une dernière possibilité pour conclure, et on va être encore un peu plus fifou qu'avec l'empouvoirement : mettre fin au système représentatif. Au final, la démocratie a besoin de deux choses pour s'épanouir : d'une citoyenneté éclairée et d'un lieu commun d'échange. Et nous sommes peut-être à la frontière de ce paradigme aujourd'hui grâce au réseau des réseaux : Internet. Alors oui, les infox existent et se propagent assez bien, notamment avec l'aide des réseaux sociaux, mais nous n'étions pas à ce niveau d'information accessible quand notre régime parlementaire actuel a été créé. L'ORTF, média d'État aujourd'hui conspué, est né après la Vème République. Nous n'en sommes plus là, alors pourquoi ne pas envisager sereinement cette idée où des personnes pourraient s'exprimer plus ou moins directement sur des idées, rangeant ainsi la "démocratie" représentative au placard ?

Et le Parti Pirate ?

Le Parti Pirate se veut expérimentateur. Aujourd'hui dans nos mode de scrutins, nous testons activement le jugement majoritaire, un système permettant de donner un avis sur chacune des candidatures qui se présentent pour un mandat et dont le résultat est forcément consensuel puisqu'il ne pousse pas l'électeur à faire usage d'un vote utile. Appliquer ce système de vote nous permet non seulement de pouvoir nous y habituer mais aussi de pouvoir l'expliquer, de connaître ses avantages et ses inconvénients, c'est utile pour départager des idées ou des candidats mais ce n'est pas applicable pour des scrutins de listes. Par ailleurs, au Parti Pirate, nous faisons la promotion active du bulletin unique1 en proposant une modification du code électoral concrète afin de l'appliquer.

Nous prônons l'empowerment, d'ailleurs si nos idées vous plaisent, nous avons besoin de vous. Ce qui va de paire c'est aussi l'éthique et la critique éclairée, nous voulons proposer des alternatives et non jeter l’opprobre sur nos concurrents.

Et malgré tout cela, le Parti Pirate utilise aussi le vote sur Internet et profite des machines à voter quand il y en a pour se présenter. N'y voyez pas d'incohérence et ne cherchez pas de dissonance cognitive. Pour les machines à voter, c'est simple, l'argument d'un accès égal au bulletin de vote, qui est valable aussi pour le bulletin unique, s'applique. Quant au vote électronique, nous sommes un parti politique issu d'internet, nous n'avons pas une forte attache locale, voire au local donc il est vain de chercher où nous rencontrer physiquement. Mais cela a un effet de bord : organiser des votes en physique coûte de l'argent et des moyens : en location de salle, en déplacement… Oui le vote sur internet a des avantages, surtout quand on n'a pas un bureau de vote par commune. De plus, nous avons fait le choix de voter souvent, au moins une fois par mois, sur plusieurs sujets. Oui le vote électronique est versatile, mais en tant que groupe nous avons fait un choix, celui de renoncer à l'anonymat et au secret du vote. Même si, pour éviter les pressions, il est artificiellement maintenu pendant la durée du vote, nous préférons avoir des votes publics plutôt que de devoir faire confiance à nos outils et notre administration. Nous avons pu y renoncer parce que nous estimons que nous sommes dans un espace sécurisé où les personnes qui subiraient des pressions, des chantages, auraient la capacité de s'en plaindre et d'être protégées d'un tel comportement toxique. Cette situation n'est pas transposable au vote normal tel que nous l'entendons constitutionnellement. Et le plus drôle, c'est que même si nous sommes passé de 5% de participation annuelle à nos votes internes à 20% mensuelle, nous avons quand même 75 à 80% d'abstention, l'électronique ne faisant pas tout, loin de là.

Au bout de cette réflexion, la question est de savoir quel système de vote nous voulons. Quel est notre cahier des charges ? Qu'est-ce qui est indispensable pour une démocratie et à quoi peut-on renoncer ? C'est seulement quand nous aurons les réponses à ces questions que nous pourrons choisir les bons outils, même s'il est toujours intéressant de connaître ceux qui existent. Et pour aujourd'hui, la protection du secret du vote et de l'électorat face à la coercition et à l'envahissement de la vie privée sont pour le Parti Pirate des valeurs indispensables à la vie démocratique.