Déserts médicaux : Propositions du Parti Pirate
1 - Présentation du système de santé
Le système de santé français est particulier. Ses finances sont gérées par l'Assurance Maladie sous tutelle de l'État. La médecine de ville voit ses tarifs imposés, après négociations avec la CNAM encadrée par le gouvernement gestionnaire (PLFSS, projet de loi de financement de la sécurité sociale). La médecine générale dite de "secteur 1" est appelée libérale en raison de la liberté d'installation et de gestion en tant qu'entreprise, et non pour une quelconque liberté tarifaire. Ces praticiens bénéficient également d'une prise en charge partielle de leurs cotisations URSSAF en échange de participation à la convention de sécurité sociale.
Seule exception, les médecins de secteur 2 qui bénéficient de la possibilité de fixer des tarifs libres (avec « tact et mesure » selon leur déontologie). Ils ont une base de remboursement sécurité sociale et/ou mutuelle optimisée ou non selon les accords OPTAM (pour "option pratique tarifaire maîtrisée").
Le secteur 3, enfin, est celui des praticiens sans aucune convention avec la CNAM. Ces médecins sont libéraux, au sens premier du terme, avec une quasi absence de prise en charge de leurs actes par l'assurance maladie obligatoire ("la Sécu").
Les avantages pour les médecins en secteur 1 :
- Participer à l'accès aux soins de leurs patients, qui sont remboursés presque totalement par l'Assurance Maladie et leur complémentaire santé. En contrepartie du respect des tarifs "sécu", ils bénéficient d'une prise en charge partielle de leurs cotisations sociales (maladie, retraite…) et de petits avantages fiscaux (abattement forfaitaire de 2 % pour leurs frais de représentation).
Les praticiens de professions paramédicales reconnues par l'Agence Régionale de Santé et porteurs d'une identification professionnelle peuvent être conventionnés avec l'Assurance maladie selon les modalités du secteur 1.
Les inégalités de répartition
La démographie des médecins baisse depuis plusieurs années. La population française vieillit et a plus de besoin de soins. Partout, les délais pour les rendez-vous médicaux s'allongent. Il est de plus en plus difficile, voire impossible, de trouver un médecin traitant. Ceci met en lumière les inégalités de répartition des médecins sur le territoire français : certaines régions ont un nombre de médecins par habitant supérieur à d'autres. Ces inégalités ne doivent pas faire oublier celles des autres professionnels de santé comme les dentistes, les infirmiers, les sages-femmes, kinésithérapeutes,…
Ces inégalités de répartition sont accompagnées d'un manque de professionnels de santé en France, aujourd'hui et dans l'avenir. Même dans les zones dites "surdotées", l'offre de soins n'est pas suffisante.
Selon les projections (DREES 2021) la situation devrait s'améliorer vers 2030.
Pourquoi manque-t-on de structures de proximité ?
Pour la médecine, le numerus clausus a été volontairement faible pendant des années, ne permettant pas le renouvellement des partants. Le gouvernement Juppé (1995) a envoyé en pré-retraite 10 000 médecins généralistes aux frais des médecins actuellement en exercice (leurs cotisations payent ces retraités).
"Y a qu'à forcer les médecins à aller là où il en manque !"
Cette proposition de "bon sens" se heurte au fait que les médecins, vous l'aviez peut-être oublié, sont aussi des parents, des amis, des humains, avec des liens et des envies. Ils et elles aspirent à pouvoir choisir leur lieu de vie et de travail. La coercition ne parait donc pas être une bonne solution sur le long terme.
C'est une proposition court-termiste, qui n'envisage pas la santé d'un territoire dans le temps.
Instaurer une limitation d'installation sous-entend qu'il y aurait une sur-dotation médicale dans certaines zones. Ce n'est cependant pas le cas.
Les professions paramédicales ont des règles pour leurs installations, pourtant des inégalités persistent dans ces professions.
Ces mesures (limitations et coercitions) ont déjà été prises par certains pays (Allemagne, Royaume-Uni, Québec). Le résultat est mitigé : pas ou peu d'effet sur les zones sous-dotées, limitation des inégalités par la baisse des installations en zones sur-dotées.
En France, compte tenu de la baisse de la démographie médicale, si l'installation en exercice libéral est limitée, on peut prévoir un report vers le salariat, en structure, et vers la téléconsultation dans une certaine mesure.
Les effets pervers de ces mesures ont été documentés à l'étranger : dégradation de la continuité des soins (compte tenu du turn-over important), voire crises de vocation (aux études ou à l’exercice).
Les mesures d'incitations financières individuelles, utilisées en France depuis 2005, n'apportent, quant à elles, pas de résultats suffisants.
2 - Les propositions du Parti Pirate :
Optimiser le temps médical en dégageant les médecins des taches non-indispensables : c'est le cœur du point de programme : Redonner du temps médical aux médecins. Il s'agit d'améliorer la capacité d'accueil de patientèle par les médecins déjà installés.
3 - Les axes de réflexion du Parti Pirate :
- Favoriser la ruralité en médecine :
Agissons sur les déterminants documentés d'installation dans un territoire : notamment, en sélectionnant pour les études de médecine les étudiants originaires de régions sous-dotées, plus enclins à s'y installer. Un étudiant en faculté dans une ville, originaire d'une zone sous-dotée, pourrait plus facilement s'installer dans sa région d'origine.
- Des lieux de stage décentralisés :
Favorisons la réalisation de l'internat dans une seule et même localité décentralisée de la faculté. Un étudiant qui passera 4 ans de sa vie de jeune adulte (vers 24 - 30 ans), sera plus enclin à s'y installer dans le futur.
- Amélioration de l'attractivité des territoires :
Promouvons les organisations locales comme les maisons de santé pluri-professionnelles et les CPTS (communautés professionnelles territoriales de santé) : elles sont un levier pour l'installation de jeunes médecins.
- Une autre manière d'exercer la médecine :
Envisageons le développement du salariat par les municipalités, qui pourrait également être une solution. Dans un premier temps, étudions les retours des expériences menées.
- Développer le travail pluri-professionnel :
Avec la reconnaissance des rôles propres en autorisant et développant les autonomies légales (en collaboration) de certains professionnels paramédicaux
Cela pourrait être un avantage pour éviter les difficultés de prise en charge dans les zones sous-dotées. Cependant, cette solution reste soumise à l'inégalité de répartition de ces mêmes professions.
- Déléguons des tâches à des IPA (Infirmier de pratique avancée) :
Cela nécessite deux garanties pour le médecin délégateur : que la délégation ne nuise pas au patient (formation/coordination des IPA) et que le médecin ne se trouve pas libéré des consultations "simples" pour ne plus faire que les "complexes".
Attachés à la liberté, les Pirates ne souhaitent pas de coercition à l'installation, considérant qu'au surplus, les effets bénéfiques de cette politique n'ont pas été démontrés dans les pays qui l'ont adoptée.
Liste des abréviations
CNAM = Caisse nationale d'assurance maladie
CPTS = Les communautés professionnelles territoriales de santé
PTMG = Praticien territorial médecine générale.
PLFSS = Projet de loi de financement de la Sécurité sociale
OPTAM = Option pratique tarifaire maîtrisée
URSSAF = Union de Recouvrement des cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations Familiales
Bibliographie
Collège des économistes de la santé : https://www.ces-asso.org/deserts-medicaux-quelles-reponses-dici-2030-et-au-dela
Revue Prescrire : “Déserts médicaux” : des pistes tirées d’expériences menées hors de France. La revue Prescrire • Février 2023 • Tome 43 N° 472
IPA Canadien : https://cna-aiic.ca/fr/soins-infirmiers/pratique-infirmiere-avancee
MICA : https://www.petiterepublique.com/2016/11/24/juppe-chronique-medicale-dactualite/
France Asso santé : https://www.france-assos-sante.org/actualite/faire-reculer-les-deserts-medicaux-plus-que-jamais-une-priorite-en-2022/