Exposé des motifs
Au Parti Pirate, nous n’avons pas peur de la technologie. Nous la considérons comme un formidable outil d’émancipation, à condition qu’elle ne soit pas accaparée par quelques entités, qu’il s’agisse d’États ou de multinationales. Aujourd’hui, les règles censées encadrer ces puissances sont souvent insuffisantes ou mal appliquées. Parfois même, ce sont les États eux-mêmes qui renforcent involontairement la domination des grandes plateformes, en leur confiant la mise en œuvre de lois qu’elles sont seules capables de faire appliquer.
Prenons l’exemple de la protection des données personnelles, de la lutte contre la désinformation, la haine en ligne, ou encore la pédopornographie et le terrorisme : ce sont des objectifs légitimes. Mais dans la pratique, ce sont souvent les géants du numérique eux-mêmes — Facebook, Google, TikTok — qui en deviennent les garants, au nom de leur prétendue capacité technique à répondre à ces enjeux. Ils affirment vouloir protéger nos identités, nos données, notre intégrité numérique. En réalité, ils construisent des écosystèmes fermés, des jardins murés, dans lesquels nous sommes enfermés… et captifs.
Le choix apparent de ces plateformes n’est souvent qu’une illusion. Nous suivons nos amis, notre famille, nos collègues, là où iels sont déjà. Sortir d’un réseau, c’est souvent perdre ses messages, ses contacts, son historique, son contenu. Il devient impossible de « voir ailleurs » sans renoncer à tout.
Pour lutter contre cette emprise, le Parti Pirate propose de légaliser une pratique historique et efficace : l’interopérabilité adverse, ou compatibilité concurrentielle selon la terminologie de l’Electronic Frontier Foundation. Il s’agit de permettre à des tiers, sans l’accord des propriétaires des plateformes, de rendre leurs systèmes interopérables — c’est-à-dire capables de communiquer entre eux.
C’est cette pratique qui, dans l’histoire de l’informatique, a permis à des concurrents de briser les monopoles techniques. Sans elle, vous ne pourriez pas ouvrir un fichier Word sur un ordinateur Apple, ou lire une vidéo sur un autre lecteur que celui de Microsoft.
Contenu de la proposition
Le Parti Pirate propose de légaliser l’ensemble des pratiques permettant la mise en œuvre de l’interopérabilité, y compris l’interopérabilité adverse.
Cela inclut :
- La reconnaissance du droit à la rétro-ingénierie à des fins d’interopérabilité ;
- La reconnaissance du droit des utilisateurs à choisir leur interface ou leur fournisseur de services, sans perte de leurs données ou contacts.
- La protection juridique des développeurs, ingénieurs et technicien·nes qui travaillent à rendre interopérables des systèmes fermés ;
- La levée des barrières contractuelles et techniques mises en place pour empêcher la communication entre plateformes concurrentes (par exemple : possibilité d’envoyer un message de Mastodon vers Instagram, ou de consulter ses messages Twitter depuis un autre service) ;
Sources
Le Rapt d’internet – Livre par Cory Doctorow – édition CF Edition
Competitive Compatibility: Year in Review 2020 - Competitive Compatibility: Year in Review 2020 | Electronic Frontier Foundation
Adversarial Interoperability - Adversarial Interoperability | Electronic Frontier Foundation